Le président tunisien, et non algérien comme l’a affirmé la candidate d’extrême droite au micro de France Inter, avait interdit le port du voile dans l’administration.
La candidate d’extrême droite Marine Le Pen est devenue mardi la risée du Web tunisien. Interrogée sur sa proposition qui ferait de la France, comme le dit Léa Salamé, «le seul pays à interdire le voile dans la rue, dans le métro», Marine Le Pen a répondu au micro de France Inter mardi 12 avril que «M. Bourguiba avait interdit le voile en Algérie». Finaliste de l’élection présidentielle pour la deuxième fois consécutive, Marine Le Pen s’est emmêlé les pinceaux entre l’Algérie et la Tunisie, puisque Habib Bourguiba a été le président tunisien de 1957 à 1987. Les lois qu’il a promulguées ne s’appliquaient logiquement pas au pays voisin.
Au-delà de l’erreur grossière, l’affirmation selon laquelle Habib Bourguiba aurait interdit le voile dans la rue, comme le suggère l’échange, est également fausse. CheckNews s’est déjà penché sur le sujet en 2018, après que le journaliste Bernard de la Villardière avait affirmé que l’administration tunisienne avait interdit le hijab. Citant le travail de la chercheuse tunisienne Maryam Ben Salem, nous expliquions que quatre circulaires prises à partir de 1981, sous la présidence de Bourguiba, ont interdit «la tenue confessionnelle», c’est-à-dire le voile, dans les établissements scolaires publics, dans les établissements primaires et secondaires, dans les écoles supérieures d’enseignement, les cités et les foyers universitaires.
Hormis le cadre scolaire et académique, la chercheuse ajoute auprès de CheckNews que la «quatrième [circulaire] datant du 12 août 1987 s’adressant aux agents de l’administration et des établissements publics des deux sexes stipule que «la tenue vestimentaire doit inspirer le sérieux et ne doit aucunement susciter toute forme de provocation ni attirer l’attention. Aussi, convient-il d’attirer l’attention sur un autre phénomène qui consiste à déroger à nos traditions vestimentaires communes et à se vêtir d’une sorte de voile qui s’apparente plutôt à la tenue confessionnelle, laquelle contraste avec l’esprit de l’époque et la loi de l’évolution. Cette tenue traduit en fait une attitude singulière en contradiction avec les lois qui régissent la fonction publique et qui appellent à la réserver». La prohibition du port du voile a été élargie aux établissements privés par une autre circulaire datée de décembre 1991, portant sur la tenue des agents de l’administration et des institutions publiques et privées.